La RSE est aujourd’hui omniprésente dans les discours des entreprises, des media, et des politiques…mais il est difficile d’en obtenir une définition claire et de se repérer dans la jungle des dispositifs mis en place depuis les années 2000. Le contrôle de gestion n’est bien évidemment pas en charge de la stratégie et des actions dans les domaines de la RSE. Mais étant au cœur du système d’information, son rôle est de rendre compte des résultats des actions en regard des objectifs. Et également d’alerter sur les risques.
D’après la Commission européenne, une entreprise « responsable » va au-delà des obligations juridiques, et investit dans le capital humain, l’environnement, et les relations avec ses parties prenantes (internes et externes). Ses actions et décisions ne doivent pas seulement être prises au regard des attentes des actionnaires, mais aussi au regard des impacts sur ces parties prenantes : environnement, société civile, salariés, partenaires…Quelles sont leurs attentes ? Quels sont les impacts des décisions de l’entreprise ? Comment sont pilotés les risques ? L’entreprise a-t-elle un comportement responsable, éthique, et une communication transparente ?
La RSE ne se confond pas avec le « Développement Durable ». En effet, le Développement Durable caractérise le mode de développement des sociétés humaines dans leur globalité, reposant sur les trois piliers Economie/Ecologie/Social. C'est un "développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs" (GH Brutland ,1987).
La RSE s'applique plus spécifiquement à la politique d'entreprise. Par leurs actions et leurs stratégies, les entreprises contribuent ainsi -plus ou moins- au développement durable.
Sur tous ces sujets, les obligations en matière de reporting se sont développées au fil des années et il est important d’être méthodique.
La notion de RSE a évolué au fil du temps.
La RSE n’est pas une lubie de communication récente, mais une conception de la vie des affaires qui a évolué au fil du temps depuis le début de l’ère industrielle. En résumé, on est passé schématiquement par trois phases, et nous abordons peut-être une quatrième :
En France, le cadre réglementaire actuel s’inscrit dans :
L’avenir nous dira si nous abordons réellement une 4ème phase…ou si cette notion de « mission » restera au niveau des effets d’annonce…
Quels référentiels adopter ?
En matière de RSE de nombreuses questions se posent :
Nous ne les détaillons pas ici, mais une petite cartographie permet de les visualiser.
Le cadre institutionnel et réglementaire étant posé… comment organiser le reporting ?
Il est tout d’abord nécessaire de bien mesurer les enjeux stratégiques.
La RSE est passée du champ de la « communication » à celui de la stratégie. Cette dimension stratégique se lit à travers l’analyse et la cartographie des parties prenantes.
Comment définir les parties prenantes ?
Les parties prenantes sont des individus, des groupes d’individus ou des organisations (personnes physiques ou morales) , les ressources naturelles de l’environnement et de la planète :
Dans la perspective d'élaboration de la CSRD, cette démarche doit idéalement être effectuée en considérant toute la chaîne de valeur. Toutes ces parties prenantes ont des attentes, qu’il convient d’identifier. Quelques attentes génériques dans cette cartographie (à adapter au contexte, au secteur d’activité, au mode d’organisation et de gouvernance…) .
La démarche doit être structurée, et s’inscrire dans un dialogue construit avec chaque partie prenante :
La matrice de matérialité : un outil au service de la stratégie RSE
Les enjeux, risques et opportunités qui auront été identifiés et classés pourront être positionnés dans une matrice de matérialité. Cette matrice, positionne les enjeux sur deux axes :
Ce qui permet de mettre en avant les enjeux prioritaires :
Dans la perspective de la CSRD, l'EFRAG a publié des recommandations pour la mise en oeuvre de la matérialité.
La question évidemment est : au-delà des déclamations et des communications dans les publications diverses…où en sont les actes ? C’est là que le reporting rentre en scène afin de rendre compte, et de passer de la déclaration à la preuve. C’est là aussi que le contrôle de gestion est sollicité.
La RSE a longtemps été le théatre d’une communication opportuniste, donnant à ses détracteurs des arguments pour taxer de « greenwashing » les publications RSE. Mais peu à peu, avec la prise de conscience des urgences climatiques, environnementales, sociales et sociétales, la communication laisse place à la réflexion stratégique, et les obligations de reporting se structurent.
A partir de janvier 2024, une nouvelle directive européenne rentre progressivement en application : la CSRD, soit Corporate Sustainability Reporting Directive. Elle va impliquer une production complète, précise et circonstanciée de données normalisées relatives aux enjeux et impacts des entreprises concernées dans le champ du développement durable : stratégie et modèle d'affaires, matérialité, environnement, social, gouvernance (ESG).
La CSRD succède à la Déclaration de Performance Extra-Financière (depuis 2017) , elle même héritière des précédentes obligations des lois Grenelle 2 ( loi 2010-788 - Article 225) et NRE (2001). Les grandes entreprises cotées ont un effort supplémentaire à fournir pour se plier à ce nouvel exercice, mais cela fait donc plus de 20 ans qu'elles travaillent sur le sujet, et qu'elles ont structuré leurs équipes et leur système d'information. En revanche, pour les entreprises plus petites, il s'agit d'une révolution. Environ 50 000 entreprises européennes devraient être concernées, avec un calendrier d'application progressif.
Quelles sont les entreprises concernées ?
Elles doivent remplir deux des trois critères suivants :
- Effectifs d'au moins 250 salariés
- Total de bilan d'au moins 25 Millions €
- CA d'au moins 50 Millions €.
Les obligations de reporting doivent refléter la "matérialité » des enjeux", leur pertinence. Les objectifs doivent être clairement définis, les risques identifiés, les actions explicitées, et les résultats prouvés.
Les données, structurées à travers 12 normes (les ESRS: European Sustainability Reporting Standards ) sont soumises à une analyse rigoureuse des impacts, risques et opportunités, et ceci sur l'ensemble de la chaîne de valeur.On constate ainsi que dans le domaine des Ressources Humaines, il ne s'agit plus seulement de s'intéresser aux salariés de l'entreprise bénéficiant d'un contrat de travail, mais de tous les travailleurs, y compris ceux de la chaîne de valeur (fournisseurs, sous traitants...). Dans quelle mesure les enjeux les concernant sont-ils importants, donc matériels ?
La CSRD ne doit pas simplement être considérée comme une simple contrainte de reporting : c'est aussi l'occasion de revisiter sa stratégie RSE, et même sa stratégie globale d'entreprise. Il s'agit de préparer l'avenir, et de considérer la durabilité dans son sens le plus large : durabilité de la planète, de la santé de ses habitants, et durabilité de l'activité de l'entreprise dans cette perspective. L'épuisement des ressources peut compromettre le modèle économique, comment alors en assurer la résilience ? La transparence que va constituer la publication de ces données (publiques et en accès libre) est de nature à renforcer la confiance des parties prenantes et à dégager des avantages concurrentiels. Il est encore trop tôt pour connaître les impacts réels de cette directive sur la structure des marchés et sur la vie économique, mais il est temps de se mettre en mode projet pour répondre à ce nouveau contexte. |