Le contrôle de gestion sociale est relativement récent dans les organigrammes des entreprises. La France a mis en place depuis longtemps une mesure sociale formalisée (bilan social en 1977, promotion et encadrement légal du dialogue social...). Mais la fonction « contrôleur de gestion sociale » n’a pris son essor que dans les années 2000, et n’est pas systématique dans toutes les entreprises, les missions étant parfois assurées –au moins partiellement - par un autre professionnel.
Concurrence accrue sur les marchés, financiarisation du monde économique, internationalisation, développement des exigences réglementaires, enjeux environnementaux et sociaux...tous ces facteurs ont accru le besoin de pilotage et renforcé les exigences par rapport au contrôle de gestion. Celui-ci est sur tous les fronts : activité commerciale, production, logistique, investissements...et ressources humaines ! Aujourd’hui, les systèmes d’information permettent de tracer, analyser, restituer, un très grand nombre de données. Pour ces professionnels du chiffre, c’est une belle opportunité, mais aussi un défi à relever, car les mesures (et leur interprétation) deviennent plus complexes. Cela justifie l’essor de la fonction, mais doit aussi poser quelques questions sur le sens qu’on veut lui donner.
Essayons d’y voir plus clair. Si on définit le contrôle de gestion sociale comme le prolongement « Ressources Humaines » du contrôle de gestion[1]... il faut revenir aux fondamentaux, actualisés bien sûr dans le contexte actuel. En théorie et dans un monde parfait...quel est le rôle du contrôle de gestion sociale ?
Un petit rappel sur le cycle complet du rôle du contrôle de gestion, de la stratégie à l’opérationnel. Un schéma général, que nous déclinerons ensuite sur son versant RH :
En reprenant les étapes, concrètement, quel est le rôle du contrôle de gestion sociale ?
Etape 1 - La stratégie : Où veut-on aller ? Le cap, les grands objectifs, la finalité de l’entreprise, sa « mission ».
Le contrôle de gestion en général | Le contrôle de gestion sociale |
- Participation au diagnostic stratégique (forces, faiblesses...) - Mise en place des indicateurs clés (KPI) de résultats attendus en fonction des objectifs retenus par les dirigeants. Le contrôleur de gestion ne décide pas...il facilite le diagnostic et formalise le pilotage. |
- Le diagnostic quantitatif et qualitatif dans le cadre de de la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) : les besoins et les ressources en compétences dans le cadre des objectifs stratégiques globaux. - La formalisation des objectifs RH à long terme (compétences, vision sociale...) et des KPI à piloter. |
Etape 2 - Le plan opérationnel à moyen terme : Comment faire pour atteindre les objectifs stratégiques ? Investissements, structure et organisation, financement...
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- Chiffrage des plans d’actions. - Mise en place du système de pilotage : définition des indicateurs clés (KPI) sur les actions à piloter, mise en place du dialogue de gestion, SI et systèmes d’information de gestion. |
- Formalisation, et chiffrage du plan d’actions RH à moyen terme : plan GPEC (recrutements, formations, départs...), politique sociale, systèmes de rémunération, SIRH et moyens structurels du service RH. - Définition des indicateurs clés de suivi des plans d’actions RH. |
Etape 3 - Les budgets : déclinaison à court terme de la stratégie, par centres de responsabilité managériale.
Le contrôle de gestion en général | Le contrôle de gestion sociale |
Mise en place de la procédure budgétaire, formalisation et chiffrage des budgets. |
Budgets de masse salariale. Budgets de fonctionnement du service RH. |
Etape 4 - La mesure des résultats : Suivi de la réalisation des objectifs et des plans d’actions.
Le contrôle de gestion en général | Le contrôle de gestion sociale |
Suivi budgétaire Suivi des tableaux de bord de pilotage. |
Suivi budgétaire de la masse salariale Suivi et reporting RH : indicateurs de pilotage (stratégie, plans d’actions...) et indicateurs des différentes déclarations sociales légales (BDES) |
Etape 5 - L'analyse des écarts et la mesure des performances : déclinaison à court terme de la stratégie, par centres de responsabilité managériale.
Le contrôle de gestion en général | Le contrôle de gestion sociale |
Expliquer, analyser les écarts entre les cibles attendues et les réalisations (tableaux de bord, budgets...). Un travail technique...mais aussi de communication ! Il faut dynamiser le dialogue de gestion entre les acteurs. |
La même chose sur les données sociales : comprendre, expliquer, dialoguer... |
Etape 6 - Actions correctives OU révision des objectifs
Le contrôle de gestion en général | Le contrôle de gestion sociale |
Aide à la prise de décision : faut-il revoir les objectifs, ou mettre en place de nouvelles actions ? |
La même chose sur les données sociales. Aide à la décision : le plan d’actions RH reste-t-il adapté aux enjeux et au contexte, ou faut-il le réaménager ? |
Ces fondamentaux étant rappelés... notre observation de la réalité nous montre que le contrôle de gestion sociale s’aventure rarement en dehors des niveaux 3, 4 et 5 : mise en place des budgets et pilotage budgétaire, production des tableaux de bord et des données sociales, explication de ces données (mais pas toujours...).
Ce n’est pas forcément de son fait : cela dépend en partie de la plus ou moins grande fiabilité et automatisation du système d’information, et aussi de la place qu’on lui laisse dans la structure et la gouvernance. Mais devenir un véritable "business partner" suppose d'élargir le point de vue...
[1] Définition donnée par Bernard Martory, pionnier du contrôle de gestion sociale.
Un contrôleur de gestion sociale est avant tout un contrôleur de gestion : les compétences techniques et relationnelles sont donc en grande partie communes à tous ces professionnels.
Rappelons-les rapidement :
Cet inventaire à la Prévert peut sembler un peu théorique... C’est le portrait du candidat idéal, rarement rencontré dans la réalité ! Mais le métier est exigeant. Il nécessite de supporter le stress des reportings et budgets indéfiniment répétés dans des délais serrés. Mais en même temps, il n’est pas normé : il faut être capable de s’adapter rapidement en fonction des demandes, de la conjoncture, des évolutions des SI...
Par-delà ces caractéristiques générales, quels sont les points qui caractérisent le contrôle de gestion sociale, la dimension « Ressources Humaines » du management de la performance ?
Nous avons évoqué plus haut que le métier n’était pas normé. En réalité, il y a autant de façon de piloter les ressources humaines qu’il y a d’entreprises et de DRH ! La fonction « contrôle de gestion sociale » n’existe pas toujours d’une manière distinctive. Le pilotage social peut ainsi être réparti entre plusieurs professionnels, par exemple : par un autre contrôleur de gestion (financier ou opérationnel, par le responsable paie, par le responsable SIRH ...
La manière de conduire ce pilotage va dépendre :
Tous ces métiers ont des points communs avec le contrôle de gestion sociale, mais ne s’y superposent pas, comme le montre le graphique ci-dessous.
En effet, le pilotage de la performance n’est pas du ressort d’un auditeur ou d’un responsable SIRH, le C&B n’est pas un spécialiste des risques sociaux...et à l’inverse : le contrôleur de gestion sociale ne prend pas de décision sur les rémunérations et ne s’intéresse pas à des briques de SIRH hors de son champ (comme la formation par exemple).
Le pilotage social peut donc prendre des formes très variées. Il se trouve au carrefour de très nombreux acteurs et de nombreuses disciplines.
[1] Association des Directeurs Financiers et Contrôleurs de Gestion, 8ème observatoire international du contrôle de gestion, 2019
Les entreprises évoluent dans un monde instable et doivent se réinventer en permanence : prouesses et promesses des révolutions technologiques (digital, intelligence artificielle...), mais aussi menaces liées au climat, à l’environnement, à l’écosystème en général, et aux bouleversements géopolitiques, sociétaux et économiques qui risquent de s’ensuivre. La crise générée par l’épidémie du SARS-CoV-2 en 2020 nous le démontre bruyamment.
Pour le contrôle de gestion sociale, il nous semble que cela comporte deux impacts majeurs :
Dans ce site, nous tentons modestement de proposer des pistes de réflexion et d'ouverture sur les différentes thématiques, et toutes les suggestions sont donc bienvenues !