Le pilotage social à l’international peut recouvrir plusieurs dimensions :
C’est sur ce dernier point que le contrôle de gestion sociale est le plus particulièrement sollicité : il a pour mission de consolider le reporting des données en provenance des filiales, de s’assurer de leur qualité, de les analyser afin de les intégrer dans les rapports du groupe. Il doit donc résoudre des problématiques techniques (systèmes d’information disparates, problématiques pays…), mais il doit aussi développer sa capacité à communiquer avec des acteurs variés : les correspondants RH des différents pays, les auditeurs des OTI (Organismes Tiers Indépendants vérifiant les DPEF), les agences de notation dans certains cas…
Les autres dimensions nécessitent aussi un pilotage et la mise en place de KPI pertinents. Mais dans ma pratique (qui n’est bien sûr pas universelle !)… j’ai rarement observé le contrôle de gestion sociale du siège d’une multinationale s’impliquer dans des tableaux de bord internationaux au-delà de la production des reportings récurrents et réglementaires.
Sans doute parce que la fonction RH est une des moins centralisées en termes de processus, et que le mode de pilotage ou de contrôle dépend de la gouvernance du groupe : plus ou moins grande autonomie de décision accordée aux filiales, organisation de la chaîne de valeur, facteurs de risques internes ou externes…
Les facteurs de contingence impactant la globalisation des processus et politiques RH sont donc nombreux :
Le SIRH peut être un puissant levier d’harmonisation des méthodes de travail et de la structuration des process. Une étude menée par Danae[1] sur un panel de 46 entreprises nous montre que les process liés à la paie et à la gestion des temps, très liés au droit et à l’organisation locale du travail, sont parmi les plus décentralisés. A l’inverse, les process liés au « développement RH « (carrières, recrutement…) sont davantage globalisés. Mais nous ne savons pas si ces process concernent toutes les catégories de salariés, ou seulement les managers (voire les top managers).
Le périmètre du contrôle de gestion sociale international va donc dépendre du mode de gouvernance mis en place, et de la stratégie : quels sont les axes RH qui sont pilotés en central, et quels sont ceux qui sont gérés localement ?
Cette problématique est commune à tous les groupes, et pas seulement les groupes internationaux. Il faut donc d’abord bien intégrer cette dimension « gouvernance », avant d’aborder les spécificités des problématiques pays.
[1] Livre Blanc SIRH International 2017
L’international, ce n’est pas la France d’un côté et le reste du monde de l’autre…mais autant de problématiques pays différentes !
Pour un contrôleur de gestion, la question de l’international se situe à trois niveaux :
Dans tous les cas, il est utile de disposer d’informations factuelles sur le contexte socioéconomique et juridique des pays, mais aussi de s’intéresser aux dimensions culturelles. Même en restant devant son écran dans son pays d’origine…les facteurs culturels peuvent aider à la compréhension des informations chiffrées des filiales étrangères ! Ils peuvent aussi aider à la communication avec les pays, car la conception occidentale des modèles de gestion et de contrôle n’est pas universellement partagée dans le monde !
Les compétences interculturelles de base ne sont donc pas réservées uniquement aux candidats à l’expatriation.
Nous ne détaillerons pas ici en détail ces sujets largement développés par la littérature. Notons simplement que les dimensions les plus classiques mises en évidence par les auteurs de ces recherches (par exemple Hofstede, Trompenaars…), ont des impacts forts sur le fonctionnement des Ressources Humaines et du management.
Pour le contrôleur de gestion qui analyse les données sociales, cela peut l’amener à mieux comprendre les chiffres et les disparités entre les pays. Par exemple :
On pourrait ainsi multiplier les exemples. Il ne s’agit pas bien sûr de plaquer des réponses toutes faites à chaque situation : il faut sortir des stéréotypes et des préjugés. De plus, les cultures ne sont pas figées et elles évoluent dans le temps. Mais il est important d’être attentif, curieux des différences inscrites dans l’histoire et les valeurs des différentes cultures, et qui peuvent se traduire de manière concrète dans certains indicateurs…
L’interprétation des données doit donc être contextualisée, et intégrer les facteurs culturels.
Difficile là encore de résumer en quelques lignes des projets qui mobilisent des équipes mondiales sur des mois, voire des années entières !
Les grands groupes cotés internationaux ont dû organiser leur reporting social international dès le début des années 2000, avec les obligations légales de la loi NRE. Les difficultés rencontrées alors sur les données étaient multiples : informations inexistantes ou peu fiables, définitions floues, disparités du droit social rendant les comparaisons et consolidations hasardeuses (contrats de travail différents, durée légale du travail, protection sociale, catégories socio-professionnelles, définitions du handicap…). De plus certains pays ont des dispositions spécifiques sur le reporting des données sociales, rendant obligatoire ou impossible la publication de certains informations (origine ethnique, âge…).
Ils ont donc dû rationnaliser leurs méthodes et progresser dans leurs pratiques. Schématiquement, on peut distinguer quatre axes essentiels :
Le contrôle de gestion sociale est donc ouvert sur le monde, et confronté à cette bipolarisation local-global. C’est un défi technique, et aussi culturel, nécessitant rigueur et pédagogie.